(Suite)

Sans doute récoltai-je ce jour-là le fruit de nos efforts : la mise hors de combat des rebelles dans leur principal repaire, le rude Aurès ; l’ouverture d’une route goudronnée, la mise en service d’un hôpital, la construction de maisons salubres pour les miséreux d’un bidonville, l’essor donné à une ferme modèle, l’animation des écoles primaires par des instituteurs civils ou militaires, des adductions d’eau dans les villages, la sauvegarde d’un barrage, l’inauguration d’une maison des combattants pour les vétérans musulmans des guerres de 1914-1918 et 1939-1945...

Sans oublier pour l’entretien du moral des civils une démonstration d’appui aérien, une conférence littéraire, un récital de piano (par ma fille primée au conservatoire de Paris et qui bénévolement soignait, parfois sans escorte, femmes et enfants dans les mechtas) et enfin des cours de tricot, alphabétisation et puériculture, tâche de la sous-préfète qui se dévouaient auprès des administrés.

Le journal de marche et opérations du régiment, déposé aux archives du service historique des armées, relate fidèlement les opérations proprement dites, le bilan de chacune avec les noms des tués, le nombre des rebelles abattus ou prisonniers, l ’armement qui leur a été pris, etc.

Je me contenterai d’évoquer ici la mémoire de quelques-uns seulement de mes compagnons disparus : ainsi je me revois la gorge serrée agrafant la Légion d’honneur sur le catafalque du sous-lieutenant Penant, mort au champ d’honneur ; ou prononçant à Dreux quelques mots d’adieu sur la tombe du chef de bataillon HIEAUX tué à l’ennemi près d’El Mahder à la tête du IIIe bataillon ; en évoquant le souvenir du commandant Reinartz du Ie' bataillon, tué en hélicoptère avec mon pilote LANDURIN.

Nous avons élevé à Khenchela, avec des blocs de « grand appareil » prélevés sur des ruines romaines, un monument aux morts de « la Garde » : un haut mur dont le seul ornement était notre aigle, avec à son pied un authentique sarcophage entr ’ouvert. Que sera-t-il devenu ?

Je doute qu ’il subsiste, ainsi que la moindre trace de la stèle dans le jardin du mess des officiers, qui énumérait sous le lion de l’Aurès la liste des « colonels ayant commandé le secteur » : en tête, les propréteurs de la IIIe légion Augusta en garnison à Mascula (nom latin de Khenchela) avant le déplacement de cette unité romaine à Lambese ; puis venait la légendaire Kahena, l’héroïne berbère qui tint tête à la fin du VIe siècle à l’invasion arabe, puis entre autres, mes successeurs à la tête de « la Garde », les colonels Lavallée, puis Vuillemey qui ont continué l’œuvre entreprise, assuré la relève, tant que l’Algérie n ’a pas été abandonnée, par la volonté de Paris à son triste sort.

NB : preuve du mordant manifesté par les troupes du secteur pendant la période de septembre 1958 à février 1960, ce bilan officiel des pertes rebelles : cent cinquante cinq tués, cent soixante et un prisonniers, trois mitrailleuses, quatre fusils- mitrailleurs, cent vingt quatre fusils de guerre, soixante sept pistolets-mitrailleurs, deux cent kilos de mines et explosifs. Ce total englobe les résultats des quatre régiments de combat, à l’exception de notre IIIe bataillon dans le secteur voisin. Et il est juste de rappeler la pugnacité particulière de nos harkis, qui eux combattaient sous I ’écusson de notre 94.

Source de ces informations : Extrait du livre " CENZUB-94°RI " écrit par le Capitaine Matthieu FARGET - Officier Tradition du CENZUB-94°RI -

 Coordonnées pour se procurer ce livre relatant l'épopée passionnante du 94°RI de 1709 à nos jours:

CENZUB-94°RI - Quartier d'Orléans - 02151 SISSONNE  -  matthieu.faget@intradef.gouv.fr -

 

Date de dernière mise à jour : 26/05/2022

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