J'AVAIS 20 ANS DANS LES AURES  - page 2

 

 

J’ai été incorporé comme tant d’autres le 3 Mars 1961, feuille de route : destination Reims 1° BCP. D’après mon oncle René j’étais incorporé dans les Paras 1° Bataillon Chasseurs Parachutistes. Et bien non il s’agissait du 1° Bataillon de Chasseurs Portés. Portés par qui, par quoi ? On ne l’a jamais su parce que c’est bien là que j’ai appris à marcher longtemps et loin !!

Nous sommes arrivés avec nos habits civils qui, dès le premier rassemblement, direction le magasin d’habillement,  nous ont été confisqués et échangés contre des effets militaires. Effets militaires d’occasion, usagés et mal adaptés. Les fourriers prenaient un malin plaisir à donner des grandes tailles aux petits et biens sûr des petites tailles aux grands. Il fallait voir notre premier rassemblement en tenue militaire : du grand guignol !!! Une compagnie de clochards tous habillés de la même couleur kaki, sans ceinturon, le ceinturon n’était remis aux bleus qu’au bout de 6 semaines, comme celà ils étaient plus faciles à reconnaitre et plus faciles à chambrer !! Ah, J’oubliais les chaussures. Nous avons tous reçu une paire de godillots d’occasion par toujours à la bonne pointure mais avec la possibilité éventuellement de changer !! des godillots avec des daches : les daches ce sont des espèces de clous sous les semelles, ça fait du bruit, ça glisse et ça fait mal aux pieds quand ça passe au travers de la semelle, c’est l’apprentissage de la dure vie de l’appelé en 1961. C’est même parfois risible d’assister à un rassemblement ou certains ont mis leurs guêtres à l’envers ( les agrafes à l’intérieur, c’est gênant pour marcher au pas), d’autres leur calot à l’envers, d’autres enfin n’avaient pas les chaussures réglementaires : une assemblée très hétéroclite qui peu à peu, au fil des jours, des rassemblements, des punitions, des remontrances, a fini par ressembler à quelque chose de plus discipliné, de plus cohérent, en un mot : de plus militaire. Nous avons appris à réagir au coup de sifflet, immédiatement, tous le monde en bas, rassemblement, direction les cuisines : corvée de pluches. Chacun reçoit dans son casque lourd une ration de pommes de terre à éplucher et dès que les premiers ont terminé, ils se précipitent avec zèle pour porter le fruit de leur travail pensant être enfin quitte. Hélas pour les zélés, ils ont droit à une deuxième louche de patates. Les autres ont vite compris et les épluchures tombent beaucoup, beaucoup moins vite dans les casques lourds. La corvée s’éternise jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de patates. Chacun jure qu’on ne l’y reprendrait plus (jusqu’à la prochaine fois).

Nous avons fait nos classes, formation commune de base qu’ils disaient, on faisait soi-disant tous la même chose pendant quatre mois. Nous avons appris à boire, à fumer, à fainéantiser, à coincer la bulle (expression que je ne connaissais pas). Maniement d’armes : arme sur l’épaule ….droite. Repos….Présentez….. Arme,  etc. Pendant des heures entières et dès qu’il y avait un retard (voulu ou non) le coupable était puni, 10 pompes, 20 pompes. Je suis sorti de là plus musclé qu’en arrivant. J’ai connu la férocité des caporaux instructeurs qui se conduisaient en petits chefs parce que petits gradés. Nous avons appris la hiérarchie militaire, respecter le gradé (même s’il est con ou saoul), respecter le règlement (en cas d’incendie ne pas courir, criez au feu !!!!) Obéir aux ordres même s’ils sont donnés par un irresponsable qui n’y connait rien et qui en plus n’en a rien à foutre si l’ordre est exécuté ou non. Tout ça pour dire que nous étions encadrés par des sous officiers d’active qui étaient mis sur une voie de garage : anciens d’Indochine, légionnaires réformés atteints par la limite d’âge (les meilleurs) Officiers de réserve en service actif (ORSAC) qui étaient là uniquement pour la paie et le mess. A bons instructeurs bons élèves. Nous avons passé quatre mois à nous faire ch… Pas de sorties pendant six semaines : les piqures T.A.B.D.T. Une injection toutes les semaines pendant six semaines, le parcours du combattant après chaque piquouze il parait que ça faisait du bien ! En tous cas ça ne m’a pas fait mal. Ensuite, les manœuvres : il fallait nous endurcir, comme si on avait besoin de ça, on était déjà des durs avant d’arriver (qu’on croyait).Marches de nuit : c’est plus difficile parce qu’il fait noir, tir de nuit : c’est plus difficile parce qu’on n’y voit rien et que de toute façon on s’en fout et que dans le noir on ne voit rien.

 Un soir, lors d’un tir de nuit au fusil mitrailleur en Juin, il fait clair très tard, l’aspirant qui commandait la compagnie en avait marre d’attendre que le soleil se couche enfin et vu l’heure tardive n’avait pas jugé bon et de mettre des vedettes de tirs (chargées d’empêcher tous passage dans le champs de tir) Nous mettons 6 F.M. en batterie à 200 m des cibles. L’aspirant fait les commandements rituels : position tireur couché en position, cible 1 prêt, cible 2 prêt etc. Pour un tir par rafales…….. Et là il y a eu un grand silence Juste troublé par le bruit d’un moteur de mobylette. La mobylette, chevauchée par un couple est passée devant les cibles et devant 6 fusils mitrailleurs 24/29 Qui n’attendaient plus que l’ordre de tirer !!!!! Le couple n’a jamais su qu’il avait eu beaucoup de chance. Par contre, le sous lieutenant était tout pâle à l’idée de ce qui aurait pu se produire : un couple d’amoureux abattu accidentellement par le contingent lors d’un exercice de tir, une enquête est en cours pour établir les responsabilités, nous sommes vite rentrés à la caserne sans ébruiter l’affaire. Personne n’en a jamais parlé à ma connaissance.

Manœuvres au fort de Monbré, dormir dans la paille, faire sa popote etc. Pour moi, c’était de la routine, j’avais été louveteau dans ma prime jeunesse et cela m’amusait plus qu’autre chose alors que d’autres prenaient très mal la chose et avaient beaucoup de mal à s’adapter aux conditions difficiles de notre nouvelle vie militaire. Le plus difficile, c’était pour les gars déjà mariés et quelquefois même pères de famille ou même les gars fiancés qui se posaient beaucoup de questions quant à la fidélité de leurs dulcinées !!!!!! On nous faisait faire des fascines (comme en 1914) des trous  individuels etc. N ‘importe quoi. La guerre de nos grands pères, si bien qu’arrivés en Algérie il a fallut apprendre sur le tas et quel TAS. La seule chose positive que j’ai retenue de mes classes, c’est l’uniformité, l’égalité de tous, tous dans le même merdier et là, on apprend la camaraderie et l’entente, on apprend à vivre en communauté, français métropolitains et français de souche nord africaine, les F.S.N.A comme on les appelait. Les pauvres, ils ne savaient pas ce qui les attendait !! Nous non plus !!!

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Date de dernière mise à jour : 26/05/2022

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