1957 - L'accrochage de KEF TOUFIKT avec la 5ème Cie du 2/94ème RI

 

1957 - KEF  TOUFIKT Avec la 5°ème Compagnie du  2/94 RI

BAÏOU, AÏN TINN, BOU AHMAR de petits postes des AURES tenus depuis plus d’un an par les militaires du 2/94 R I. En dehors  de leurs promenades aux environs, leur pain quotidien. Il arrive que le chef de Bataillon DUDURIER, qui les commande leur fixe un rendez-vous nocturne aux quatre-chemins sur la route BATNA-ARRIS, et les emmène dans la montagne histoire de faire pendre l’air.

BAÏOU 10 octobre 1957 à 20 heures      

Le capitaine FAYE commandant de compagnie de la 5ème Cie la carte dans une main, un papier dans l’autre étudie avec ses chefs de section l’ordre d’opération pour le lendemain. Répartition des missions : sous groupement A….bon. Sous groupement B : dans un premier temps se porter en B Z …. (Indication du lieu sur la carte) oui ? Dans un troisième temps ….  Voir calque. Il n’y a pas de calque tant pis : encore une pensait-il ! Allait-on cette fois accrocher ? Ou s’agit-il d’une de ces promenades militaire ? A vrai dire personne ne  se posait plus la question tant la réponse est imprévue. On verra bien <<  le renseignement remonte au mois d’Avril. Ils ne sont pas pressés fit l’un  ?

21 h 30 : Garde à vous. 5° Compagnie rassemblée ? Embarquez Ah ! Les panneaux ?  Avez-vous fait prendre les panneaux ? Bon. C’est bien. Moteurs en route. La nuit est belle, pas froide. Tiens ! Il ne pleut pas << La pluie des grandes offensives>> nous a pour une fois oubliées. La piste ressemble à un gigantesque reptile lumineux qui se faufile lentement vers le haut de la montagne. Foret à gauche : haute et sombre : elle serait romantique à souhait en toute autre occasion.

Le 11 octobre- 5 h 30 : Arrêt. Stop moteur. Débarquez ! Transis, les hommes glissent à terre.  << FAYE ! Vous passez en tête >> << comme, d’habitude oui mon commandant >>. La colonne s’ébranle. Silence seulement troublé par le froissement des treillis l’un sur l’autre, les cliquetis d’une arme contre le bidon ou le juron étouffé d’un homme qui bute contre une pierre. Le capitaine guide la marche. Le commandant sait qu’il arrivera au point fixé. Lui, en ce moment en est moins sûr. Tout en marchant avec précaution, il regarde sa carte puis le terrain  << Avec précaution, car une fois tout à mon étude, je suis tombé dans un trou de 2m >> aime-t-il à rappeler.

6 h 30 : Le jour se lève, humide. Le Teniet Nana, ça doit être ça juste devant nous. << Jaune à Orange nous avons atteint l’objectif O. I >> Devant nous, séparé par une immense vallée broussailleuse et peu hospitalière se dresse le KEF TOUKIFT énorme, abrupt, rocailleux et pointu (Un touriste lui trouverait sans doute une allure sublime, un air majestueux et imposant.) Pas nous il faut monter haut on n’a pas fini de rigoler. Attende. Il fait beau. Tout est calme. Seul un Piper (Avion de reconnaissance) ronronne au soleil. Orange ici Jaune portez-vous sur B.Z.43H.  2B.Z.  43H.2… Bon. Direction la tache brune, en avant.  Dans les broussailles on ne voit rien << Jaune d’Orange parlez…  parlez j’ai atteint O2 >>.

Sur notre droite le KEF TOUFIKT se prolonge par une ligne de crête touffue et bordée de falaises. Par- là doit se trouver le camp rebelle signalé par la feuille de renseignement. Enfin il fait beau c’est le principal. Cassons toujours la croûte : pâtée de porc et bœuf foie de porc << Bœuf le dolo >> Qu’est- ce qu’on a pu en bouffer de leur saloperie ! Ah ! Voilà le bombardement d’artillerie qui commence sur ce fameux camp. Il y croit toujours eux ?

12h30 : La 5° Compagnie fouille le village dans le fond de la vallée. Pas d’hommes, rien que des femmes et des gosses qui hurlent. Une épicerie contient entre autres, du savon et des stylos à bille <<Beaucoup  trop pour une population qui comprend 95% d’illettrés.

Tout à coup le KEF TOUFIKT, se réveille TA ,TA ,Ta …  Tiens il se passe quelque chose en face  L’aviation se met de la partie.  Ils doivent être nombreux. Tant mieux. Qu’est- ce qu’on va leur mettre. Car on va sûrement être de la partie.   << Orange de Jaune, portez- vous en R 15 >> R15 c’est la droite, la ligne de falaise ou sont installé les rebelles. Il faut y aller. Non pas que ça fasse particulièrement plaisir ou déplaisir, d’ailleurs. C’est une question qui n’a pas de sens actuellement. Il faut y aller, c’est tout. << Vous voyez les deux talwegs qui montent vers la ligne de crête en face de vous à droite de cette espèce de KEF ? Nous allons passer par là, puis nous rabattront vers la droite. La 3° section, talweg de droite, la 1° et 2° section par celui de gauche. Attention en haut, il y a Gris une compagnie de Chasseurs, avec laquelle il faut faire liaison. >> En avant. La compagnie quitte le village traverse la vallée et commence à grimper par l’itinéraire prescrit.

A mi- pente coup de feu, puis rafales vers la droite c’est la 3° section << Prenez contact avec la 3°>> Mais la radio ne marche pas, bien sûr. Tant pis. En avant. Arrivés en haut on avisera.   Ca y est on est en haut. Coups de feu à gauche, maintenant. Peu nombreux heureusement :  Ce n’est que Gris qui prend contact avec nous  << Gris d’orange, vous nous tirez dessus >>  << Orange de Gris bien compris >>. Et la 3° section ou est-elle ? Ah ! La voilà juste à notre droite. Ajustés d’assez près, les gens de la 3° Section ont réussi à arriver quand même jusqu’à nous.

 En arrivant, on a failli aligner le P C du bataillon explique en beaucoup plus de mot qu’il ne faut pour le dire, l’Adjudant, MILHAMONT  qui commande la section. Bon. Maintenant, à  droite-droite. En avant. On n’entend rien, à cause des avions. On ne voit guère plus, à cause des broussailles. En avant quand même. En face, ça tire un peu, puis ça tire beaucoup, mais de toute façon, eux ne voient pas plus que nous. Ils ne doivent plus être loin, 50 mètres, plus, moins. Qui peut savoir ?

Son immense porte-carte transparent à la main, le Capitaine FAYE debout dirige la manœuvrer et de toute façon, comme ils ne voient pas ou ils tirent autant être debout que couché, explique-t-il.Ses hommes le regarde : Ils l’aiment bien et l’admire. Pas encore de blessés. Pourvu que ça dure. Ça pète dans tous les coins. A droite, la 3° Section s’explique avec un F.M. adverse planqué dans les rochers.  Le soldat BILQUEZ, qui s’est mis à découvert pour mieux pouvoir riposter, est blessé à l’épaule. A gauche, la 2° section du Sergent POUSSE, avec l’aide des chasseurs, a pris à portée un nid de résistance DIRIAT, qui en avait assez de se faire tirer dessus sans rien voir, quitte son emplacement, met en joue ses adversaires et lâche une rafale : trois morts. POUSSE crie << A l’assaut>> La position est enlevée, les armes récupérées. L’Adjudant MILHAMONT pour sa part revient triomphalement un canon F.M. à la main << Je vais chercher le reste >> annonce-t-il mais le F.M. ne l’a pas attendu. Pendant ce temps le soldat GSCHWIND de la C.C.A.S. est au corps- à- corps avec un rebelle. D’une main GCHWIND écarte juste à temps le fusil de chasse, qui lui égratigne le flanc puis abat le fellagha. Le Commandant est là également avec son P.C. ainsi que le Capitaine VANDAIS qui commande la compagnie de réserve. Tous ce monde discute parmi les rafales. Le moment est venu d’enlever la position : << En avant >>. La compagnie progresse par bonds successifs, couvert par le feu de ses F.M. Les rebelles lâchent pied ; mais le combats se poursuit âprement avec l’appui de l’aviation jusqu’à la nuit qui tombe malheureusement très vite. La lune se levait tandis que le Capitaine FAYE glanait des djellabas abandonnées pour passer la nuit plus confortablement.

12 octobre-6 h 00 : Levé pénible. Il faut fouiller le terrain, afin de trouver les derniers rebelles qui s’y trouvent, et peut- être aussi des caches. La progression reprend donc, accompagnée de quelques rafales. << Orange de Jaune, je vous envoie un indicateur qui doit vous indiquer une infirmerie souterraine située non loin de votre position >>. L’indicateur, en fait se borne à répéter. C’est par là en montant le fond du thalweg, à droite de l’axe de marche de la compagnie. Cela signifie avant tout, un bon détour. Quant au résultat.

Le Capitaine FAYE se gratte la tête, puis d’un air septique, il envoie la 3°Section dans la zone indiquée, le reste de la compagnie continue sur l’axe de la marche. Au P.C. du bataillon le bilan définitif impatiemment réclamé par les échelons supérieur s’enfle d’heure en heure. De 25 cadavres au début de la matinée, on est passé successivement à 30 puis à 35, enfin à 44. Mais que fait la 3° Section ? Les autres unités participant à l’opération ont déjà décroché depuis longtemps. Ah ! Enfin elle se décide : << Orange de marron (c’est son indicatif) nous avons trouvé l’infirmerie. Envoyer renfort >>. Deux heures plus tard, apparaissent la 3° Section suivie de la 2° Section envoyé en renfort. Tous sont chargés comme des mulets d’un tas de matériel : caisses de médicaments, butagaz, couvertures ect…..ect… Une partie sera détruite sur place, faute de pouvoir tout ramener. Enfin, c’est le retour, drapeaux  fellagha déployées. Le 2/94 R.I. Peut être fier de ses appelés.

                                                                                                         Lieutenant HACKSPILL

Article paru dans le journal  Le BLED,  il m’a été transmis par François  BILQUEZ

 IL est à noter que François qui participe à nos rassemblement et il a organisé chez lui dans les Vosges un rassemblement des anciens de BAÏOU, mon premier avec réussite  car depuis j’ai assisté à tous les autres rassemblements et à cette occasion j’ai retrouvé l’esprit de la 5° Compagnie, il faut dire qu’on était une vingtaine de la compagnie.

Je me permets  de  transmettre mes remarques suite à cet article.

BILQUEZ François; lors de cette opération François a été touché par trois balles, meurtri dans sa chaire et touché psychologiquement a réussi revenir à la vie civile et surmonter son handicap et à le voir aujourd’hui il mène une vie tranquille de retraité. Il faut dire qu’à cette époque nos morts non pas eu droit à la cour d’Honneur des invalides, ni nos camarades à leur retour à la vie civile un suivie psychologie car pour certains le retour à la vie civile a été dure, il faut relever que le soutien par nos familles et surtout celles de nos épouses a été primordiale.

Le soldat GSCHWING dont la véritable orthographe est SCHWING est natif du Haut Rhin j’ai essayé de le retrouver en vain le nom de SCHWING est très répandu en Alsace. En juin 1958 quand je suis arrivé à BAÏOU,  SCHWING faisait partie de la 1° section de la 5ème Compagnie où j’ai été affecté.

Il était très apprécié de ses camarades et de ses chefs. Muté disciplinairement à la 5ème Compagnie. Il avait déjà 2 décorations à son actif. Décembre 1958 survient un événement qui à marqué les esprits des hommes  de la 1ère section de la 5° compagnie. Lors d’une opération la 1ère section été clouée au sol par un tir très intense,  il a contourné le dispositif et il a supprimé les rebelles.

Son histoire n’est pas terminée :

Jour de repos pour la 5°compagnie un jour d’automne 1958.

Le chef du village de BAÏOU d’une quarantaine d’année se mariait pour la énième fois (il l’a acheté à sa famille sans doute pour quelques moutons, c’était la coutume). La nuit de noce a été mouvementée et le lendemain matin la jeune épouse s’est retrouvée à l’infirmerie du bataillon car la vigueur de son mari a provoqué des lésions dans ses parties intimes. SCHWING était très remonté et il a dit qu’il allait lui faire la peau.

La nuit venue il est sorti du poste, on ne sait pas comment et il a tiré 2 chargeurs de P.M. dans sa mechta sans toucher personne. Le lendemain matin au rassemblement de la 5° Compagnie  le commandant de compagnie nous a demandé de lever les bras, car la nuit de l’épopée, le chef du village a remarqué que le tireur avait un sparadrap à un doigt. Et ainsi il a été démasqué. Il s’est retrouvé en prison et transféré à Constantine. Il a passé devant le tribunal militaire. Le commandant de Compagnie s’est déplacé pour le défendre, on n’a jamais été informé de sa sanction et on ne l’a jamais revu. A mon retour à la vie civile j’ai essayé de le retrouvé sans succès car le nom de SCHWING est très répandu en Alsace.

                                                                                                                          Bernard  TRAUT 

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Date de dernière mise à jour : 26/05/2022

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