Témoignage du Colonel S.H. PARISOT -

   

<< Qui tient l'Aurès, tient l'Algérie  >>

                                                                                                             (Abdel Kader)  

Reconstitué à quatre bataillons par le colonel de Pentfentenyo à l’occasion de la rébellion algérienne, le régiment fut déployé dans le sud constantinois ; j’en pris le commandement à la fin de 1958 des mains du colonel Reverdy, qui avait été « amputé » d’un bataillon transformé en 18e chasseurs à cheval (d’ailleurs à pied !)

Le PC se trouvait à Taberdga, dans une gendarmerie curieusement construite au fond d’un pittoresque canyon des monts de Némentchas, à la limite méridionale des hauts plateaux. Bientôt le PC se déplaça à Khenchela et le commandement du régiment se confondit pour moi avec la responsabilité d’un secteur opérationnel grand comme un département français et l’exercice des pouvoirs civils territoriaux (le sous-préfet étant devenu mon adjoint).

Drapeau du 94 a tabergda 1956 621956-62 - Drapeau du 9/4 à Taberdga

L’état-major du régiment, confié au chef de bataillon MILLIER, s’étoffa d’autres officiers puisque d’autres corps de troupe que le 94e passaient sous notre coupe : le 18e RCC récupéré (dont un escadron d'automitrailleuses), le 1er d’artillerie (dont une batterie de 155 long bien inutile), et le Ie' étranger de cavalerie (engins blindés de reconnaissance, EBR, à huit roues) ; une batterie de 105 court d’artillerie de Marine. : une compagnie du train, une du matériel, un détachement de transmissions, une compagnie de génie, une intendance, une antenne chirurgicale, et enfin une escadrille d’avions d’accompagnement de sept T6 à hélices complétaient cette véritable brigade autonome.  

Le secteur rassemblait ainsi environ 5 500 hommes, le régiment seul comptant déjà dix sept compagnies, plus deux harkas de supplétifs. Une quinzaine de sections administratives spécialisées (SAS), sortes « d'affaires indigènes » conseillaient les municipalités de la « capitale » et des villages, encadrant une population musulmane de purs « Chaouïas » berbères sédentaires ou nomades, comprenant 125 000 âmes dont près d’un quart au chef-lieu.

Le « terrain » présentait un échantillonnage de tous les paysages possibles à cette latitude ; il n y manquait qu ’une zone littorale et une région frontière ; ainsi, mon hélicoptère me transportait en une vingtaine de minutes des forêts de cèdres de l’Aurès (le Chélia culmine à 2 500 m) aux Chotts salés et aux dunes du Sahara, au-dessous du niveau de la méditerranée, en survolant des plateaux d’alfa dénudés ou des oasis de palmiers- dattiers. Deux fois par an, le mouvement pendulaire ancestral de l’Achaba ouvrait ou fermait aux nomades leurs terrains de parcours du sud.

Nos effectifs se répartissaient en une trentaine de postes (généralement d’une compagnie, mais certains étaient d’une section et même des tours isolées, à l’équipage d'une poignée d’hommes, surveillaient certaines roules et pistes propices aux embuscades).

Les opérations étaient déclenchées par surprise sur renseignements ou s’appliquaient à priori à des compartiments de terrain. Elles se déroulaient souvent selon le schéma suivant : un « bouclage » simultané verrouillant une zone que des éléments mobiles à pied « ratissaient » ensuite des sommets vers les fonds. Tout l’art consistait à ne pas donner l’éveil aux bandes fellagas et à transporter le plus vite possible en camions ou en hélicoptères des détachements venant de points différents et situés à des distances variables. Autre problème, celui des « appuis-feu », pour ne pas risquer, sur les trajectoires d’artillerie ou de mortiers les avions d’obsemation ou d’intervention au sol.

Pour éviter les méprises, un signe de reconnaissance changé chaque fois était indispensable : il consistait en un foulard de couleur arboré tantôt au chapeau de brousse, tantôt à l ’épaule, au bras, etc.

Les innombrables servitudes de l’occupation des postes devaient être prises en compte : ainsi le ravitaillement du plus éloigné d’entre eux nécessitait l’hiver deux jours de déplacement, sur un itinéraire dont la sécurité devait être assurée par trois ou quatre compagnies fixes ou mobiles.

Enfin, autre écueil à éviter en cas de grande opération occasionnant la venue de renforts étrangers au secteur (par exemple parachutistes) : les dégâts éventuels commis par les « invités » et risquant d’anéantir des efforts d’approvisionnement patient des populations par les garnisons locales. Car la population était à juste titre, avant même le combat, notre principal souci ; et lors de mon départ en 1960, elle était si bien acquise que je suis allé seul, sans escorte et sans la moindre appréhension, prendre congé de mes administrés civils en plein souk, dans la foule bruyante et bigarrée attirée par la musique du régiment, jouant, bien entendu, sans armes.

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Date de dernière mise à jour : 26/05/2022

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